Jung Lee

Texte paru le 10.12.2021 dans 9lives-magazine

Depuis plus de dix ans, l’artiste coréenne Jung Lee fait dialoguer langage, émotions et images en associant la lumière artificielle du néon au paysage naturel. Elle choisit des lieux déserts et peu éclairés pour créer des installations lumineuses éphémères, ce qui produit un effet de contraste marqué dans ses photographies. Les mots ou les phrases écrits en néon sont souvent des expressions stéréotypées de sentiments tels que l’amour ou la haine. Malgré l’insuffisance du langage à transmettre ses pensées et ses émotions, Jung Lee trouve dans le paysage un moyen d’exprimer ses désirs latents et son imaginaire.

Lorsque Jung Lee quitte son pays il y a vingt ans pour étudier la photographie en Grande-Bretagne, elle est confrontée à d’autres usages culturels, ce qui éveille en elle un intérêt marqué pour le langage, en particulier l’Anglais. Elle perçoit ainsi plus clairement combien il est difficile d’exprimer avec des mots des ressentis plus intimes. Elle collectionne et s’approprie diverses expressions, souvent communes, des émotions qu’elle trouve au cinéma, à la télévision, sur internet, mais aussi dans la littérature et la poésie. Le néon lui apparaît alors comme un médium artistique approprié lorsqu’elle perçoit la solitude et le vide sous-jacents aux signes de néon brillant dans la nuit des espaces urbains.

Dans son exposition à la Christophe Guye Galerie, l’artiste présente des œuvres récentes (des héliogravures monochromes) ainsi que des photographies de sa série Aporia (l’aporie est une contradiction insoluble, une situation sans issue). Cette série débutée en 2010 s’inspire entre autres de l’essai de Roland Barthes,  » Fragments d’un discours amoureux  » (1977) pour évoquer le dilemme vécu par une personne qui tombe amoureuse mais aussi la solitude et la tristesse omniprésentes dans notre société contemporaine.

Par-delà la banalité des mots, la rencontre poétique de l’écriture lumineuse et de la nature invitent à la rêverie et, comme l’énonce l’artiste, suscite chez la spectatrice ou le spectateur  » l’envie de dialoguer avec sa voix intérieure « .

Nassim Daghighian

‘If my English had been perfect and good enough to fully express myself, I would never have been interested in language as a subject. My art stems from these combined experiences: as a foreign art student, a stranger in London, and also an observer of English language. […]
I see myself as a person on the borderline. I believe that feeling out of place is helpful for my art.’
Jung Lee *

‘Je m’intéresse justement à explorer les concepts de manque et d’inassouvissement. Je prends du plaisir à déceler l’imperfection ou l’inachevé d’un objet auquel j’accole mon récit. De cette manière, j’ai l’impression de trouver de la beauté cachée dans ces objets. Mais malgré la narrativité qui s’en dégage, mon travail sert moins à délivrer un message qu’à susciter chez le spectateur, l’envie de dialoguer avec sa voix intérieure.’

‘Ce n’est pas ce que je vois mais ce que j’imagine. Je passe mon temps à observer les gens et j’espère parvenir à refléter le sens profond de la vie à travers mon travail. Malgré le fait que mes œuvres ressemblent à des paysages, mon travail est profondément humain.’
Jung Lee **

Jung Lee (1972, Corée du Sud) a obtenu un bachelor en journalisme et communication de masse à l’Université Kyung Hee, Séoul, en 1996. Par la suite, elle a étudié en Grande-Bretagne et obtenu un Bachelor en photographie au Kent Institute of Art & Design en 2002 puis un Master en photographie au Royal College of Art, Londres, en 2005.

* Jung Lee citée par Veerle Devos,  » Jung Lee: dwelling with neon light « , DAMN, n°79, mars 2018 : lien

** Jung Lee citée par Sarah Roselle Khan,  » L’artiste Jung Lee fait des œuvres d’art avec vos secrets les mieux gardés « , thefifthsense.i-d.co, 27.6.2017 : lien

EXPOSITION

Jung Lee
Christophe Guye Galerie, Zurich, Suisse, 25.11.2021 – 5.3.2022
christopheguye.com

La Christophe Guye Galerie est une galerie d’art contemporain d’envergure internationale spécialisée dans la photographie. Elle représente essentiellement des artistes à mi-carrière et consacrés qui abordent le médium photographique dans le contexte plus large des pratiques artistiques actuelles, notamment les démarches post-conceptuelles. Christophe Guye a créé sa première galerie en 2006 à Los Angeles puis a déménagé à Zurich en 2010. Sa galerie est présente chaque année à Paris Photo dès 2012 et elle participe également à d’autres foires telles que Photo London, Photofairs Shanghai ou Unseen Amsterdam.

Légende des images :
1. Jung Lee, I Am Lost In You, 2017, épreuve chromogène, montage Diasec, 160×200 cm, éd. 5 + 2 AP. Courtoisie de l’artiste et de la Christophe Guye Galerie, Zurich
2. Jung Lee, You Are In My Heart, 2020, épreuve chromogène, montage Diasec, 136×170 cm, , éd. 5 + 2 AP. Courtoisie de l’artiste et de la Christophe Guye Galerie, Zurich
3. Jung Lee, Promise Me, 2018, épreuve chromogène, montage Diasec, 160×200 cm, éd. 5 + 2 AP. Courtoisie de l’artiste et de la Christophe Guye Galerie, Zurich
4. Jung Lee, I Love You With All My Heart #2, 2020, épreuve chromogène, montage Diasec, 160×200 cm, éd. 5 + 2 AP. Courtoisie de l’artiste et de la Christophe Guye Galerie, Zurich
5. Jung Lee, Yours (Blue), 2021, photogravure polymère (héliogravure d’après une plaque photopolymère), 42×29.5 cm, éd. 15 + 2 AP. Courtoisie de l’artiste et de la Christophe Guye Galerie, Zurich
6. Jung Lee, You #2, 2019, épreuve chromogène, montage Diasec, 185×148 cm, éd. 5 + 2 AP
7. Jung Lee, The End #2, 2020, épreuve chromogène, montage Diasec, 160×200 cm, éd. 5 + 2 AP. Courtoisie de l’artiste et de la Christophe Guye Galerie, Zurich
8-9. Vue de l’exposition de Jung Lee à la Christophe Guye Galerie, novembre 2021. Courtoisie de la Christophe Guye Galerie, Zurich